pourla première fois, c'est aussi un rite de passage dans une relation. Mais puisque le français n'est pas ma langue maternelle, il se peut bien que je le ressente d'une manière toute autre. Non, je le sens comme ça aussi. Passer du vous au tu, m'est agréable. C'est comme dire à l'autre "je reconnais en toi quelque chose que nous avons en commun".
Letutoiement sans le consentement préalable du tutoyé est une délinquance, c'est aussi simple que ça, que ce soit sur Internet ou dans la vie ordinaire, ainsi que je l'explique dans plusieurs articles de mon blog. Le consentement pour être tutoyé est un préalable obligatoire pour toute personne civilisée.
1 Introduction 1.1. L’objectif de la recherche. 1 Notre objectif dans cet article est double : il s’agit d’une part de décrire, à l’aide de certains outils théoriques, certaines manifestations de la politesse et de l’impolitesse dans deux types particuliers de situations de communication, à savoir les débats politiques télévisés et les échanges en contexte scolaire.
Cest très vaste comme concept, car le contexte peut aussi bien désigner la forme du tutoiement, quand il est écrit, le ton quand la discussion est orale, les gestes
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letutoiement dans une thérapie dans "Je" et mon analyse Le Forum de la psychanalyse et du développement de soi. Ecoute et conseils gratuits, orientations par des psys et thérapeutes pro.
Dansune première rencontre, le choix entre le vouvoiement et le tutoiement n’est pas toujours facile, et on hésite parfois. Même si le premier contact est cordial, il est plus prudent d’utiliser le vous jusqu’au moment où la question est abordée, car le passage du vous au tu marque l’évolution d’une relation.
Quelleest l'influence du tutoiement dans les soins ? DIVERS + DE 2 ANS Question d'origine : Bonjour, je fais mon mémoire sur ce sujet et j'aimerais savoir si il existe un historique du tutoiement ? depuis quand le vouvoiement et le tutoiement ont existés? Qu'est ce qu'ils impliquent ? Réponse du Guichet gds_db - Département : Equipe du Guichet du Savoir Le
traductionqu'implique le dans le dictionnaire Français - Français de Reverso, voir aussi 'impliquer',impolitique',impratiqué',impolitiquement', conjugaison, expressions idiomatiques
Pardéfaut, tutoiement, mais lorsqu'une personne se présente ès qualité, par exemple en indiquant "médecin" ou "colonel" sur sa page utilisateur, j'aurai tendance à vouvoyer. C'est surtout vis à vis des personnes qui s'adressent à Wikipédia en se considérant elles-mêmes comme non-wikipédiennes que le vouvoiement me semble indispensable.
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Tutoyer ou vouvoyer Le tutoiement se généralise de plus en plus. Salué par les uns comme un progrès bienvenu, il est vécu par d’autres de façon incommode. Quelle différence existe-t-il donc entre les deux manières de s’adresser à son entourage ? Peut-on les utiliser indifféremment ou marquent-elles respectivement un autre genre de relation ? Notre langage, un révélateur de notre état intérieur L’humanité évolue depuis de nombreux millénaires et ses membres ont acquis une certaine conscience d’eux-mêmes qui leur font utiliser tout naturellement aujourd'hui le mot je» pour se désigner. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Dans le passé lointain, l’être humain n’était pas conscient, comme il l’est aujourd’hui, d’être une individualité distincte de son entourage - la nature - et des autres membres de sa communauté, sa tribu. Il vivait en osmose totale avec eux et ce n’est que peu à peu qu’il s’en est extrait, pour devenir une personnalité consciente d’elle-même et de ses différences par rapport aux autres, et par là , consciente des répercussions que pouvaient avoir ses actes sur son environnement et ses semblables. Cette évolution de l’inconscience vers plus de conscience s’est faite progressivement et s’est tout naturellement reflétée dans l’évolution de la langue. On peut ainsi constater que dans les langues anciennes, le mot je » est très peu employé en tant que terme isolé. Incorporé dans le verbe et placé comme terminaison de celui-ci, il ne figurait pas de manière distincte dans la conjugaison comme c’est le cas de nos jours. Ce n’est que bien plus tard qu’il fut séparé du verbe et placé avant lui pour désigner celui qui est le moteur de l’action décrite par le verbe. Cette lente prise de conscience du moi peut aussi être observée de façon condensée dans l’enfance de l’être humain actuel. Dans leur jeune âge, les enfants n’utilisent pas le mot je, mais se désignent par leur nom ou un dérivé de celui-ci. Ils disent par exemple Jean veut une pomme» et non je veux une pomme», comme ils le feront au stade suivant. Bien que la prise de conscience du soi ne soit pas la même chez un enfant que chez un adulte mature et responsable - et non seulement conscient d’exister mais conscient de ses actes - le mot je» est utilisé dans les deux cas. Ce prénom personnel n’est donc plus en mesure de révéler la différence de maturité ; le langage cependant la distingue par un autre biais par l’emploi du tu et du vous. En effet, si l’enfant commence par tutoyer tout le monde, il apprend bientôt qu’il y a des personnes à qui l’on ne peut s’adresser ainsi et qu’il faut vouvoyer. Le passage du tu» au vous» marque ainsi une évolution de la perception de ses relations avec son entourage, car il ne peut se comporter de manière identique lorsqu’il tutoie ou vouvoie. Cette évolution est également visible historiquement. Si dans le passé le tutoiement était le plus courant, il fallut attendre le 16e siècle pour que le vous s’impose. Pendant la Renaissance, c’est le vous qui était utilisé et on ne tutoyait que les domestiques. Le siècle suivant, sous l’influence de Rousseau, le tutoiement rentra à nouveau dans les usages, et plus encore après la Révolution au nom de l’égalité. Mais si les hommes sont égaux devant les lois, le sont-ils en eux-mêmes ? L’apparition de la bourgeoisie, - on tutoie toujours plus dans les milieux populaires que bourgeois - rendit au vous une place prépondérante. C’est probablement à partir des années 1960 révolution hippie, mai 68,... qu’il succomba, pour laisser à nouveau une place plus importante au tutoiement. Il est généralement admis que l’on tutoie les personnes auxquelles on est uni par des liens étroits de parenté, d’amitié ou de camaraderie. Le tu» est donc employé dans les relations caractérisées par la proximité, l’intimité, l’affinité. Dans l’intimité du foyer, l’enfant tutoie ses parents, ses frères et sœurs, car ce sont ses proches et qu’il est en relation constante avec eux. Mais ce tutoiement qu’il étend d’abord sans distinction à tous ceux qu’il rencontre le facteur, l’épicier, les voisins,... prend un jour fin. Il découvre qu’il y a des relations qui ne sont pas du même type que celle du milieu familial, et qu’il existe un intérieur et un extérieur. Avec les gens de l’extérieur, les relations ne sont pas proches ou intimes. Le maître d’école, l’épicier,... font partie de l’extérieur ». Ils ne sont pas liés à la famille et sont d’un genre d'approche différent. Le tu» implique effectivement une certaine relation de dépendance. L’enfant est dépendant de ses parents et ceux-ci également de lui, puisqu’ils ne peuvent disposer entièrement d’eux-mêmes. Leurs décisions sont dépendantes des devoirs qu’ils doivent remplir envers lui. Le tu réciproque est donc bien de mise dans cette relation caractérisée par des liens si étroits. Les enfants se tutoient. Existe-t-il donc un lien entre eux ? Bien qu’ils aient chacun leur caractère, les enfants sont en affinité ou proches les uns des autres. Ils le sont car ils sont tous des personnalités non encore pleinement affirmées ou indépendantes, comme elles pourraient l’être une fois adulte. Ils ne sont pas encore responsables d’eux-mêmes. Le tutoiement, qui correspond à cet état, est donc tout naturel. A certaines époques, les parents vouvoyaient leurs enfants, mais cette pratique pousse les enfants dans un rôle - celui d’êtres indépendants et responsables - qu’ils ne sont pas encore en mesure d’assurer pleinement. De façon générale, le tutoiement des enfants par les adultes doit lui aussi prendre fin un jour. Le passage du tutoiement au vouvoiement se fait dans la période de l’adolescence, quand l’esprit perce vraiment et que l’âge de la pleine conscience de soi et de ses responsabilités approche. Effectivement, pendant l’adolescence, la personne devient une personnalité à part entière. Elle cesse d’être non-responsable et dépendante. C'est l'époque à laquelle le jeune homme ou la jeune fille quitte le nid familial pour voler de ses propres ailes. Le passage à l’état de pleine maturité ne se fait pas du jour au lendemain, mais progressivement. Lorsque celui-ci est atteint, les jeunes gens sont heureux d'être vouvoyés par les adultes, parce que cela est conforme à ce qu'ils ressentent intérieurement. C'est seulement lorsque cet état n'est pas encore atteint qu'ils préfèrent en rester au tu». Si comme nous l'avons abordé le tutoiement caractérise une relation proche, intime dans laquelle il y a une affinité, le vouvoiement indique que les deux interlocuteurs sont différents, indépendants l’un de l’autre. Le vous marque certes une certaine distance, mais celle-ci ne résulte pas d'un jugement de valeur négatif ni ne l'implique. Au contraire, elle exprime le respect de l’autre. Celui-ci est considéré comme un être à part entière à qui l’on doit le respect. Cela se révèle nettement, car chaque fois que l’on veut contester la dignité d’un adulte ou sa valeur, le vous est abandonné pour le tu. Par exemple, les remontrances lancées contre un automobiliste indélicat se font sur le mode du tutoiement. Jadis les serviteurs étaient tutoyés pour marquer la différence hiérarchique. C’est d’ailleurs bien parce qu’on ne leur accorde pas encore la responsabilité que les adultes tutoient les enfants. Certains parents les vouvoient quand ils les grondent pour essayer de faire appel à leur sens du devoir et des responsabilités. Le vouvoiement reconnaît à l’autre le droit d’être indépendant et de décider librement de la manière dont il veut mener sa vie. Le vouvoiement est ainsi en relation avec le libre arbitre de l’être humain, cette faculté qui réside dans l’esprit et qui lui donne la possibilité de choisir, sans être influencé, ce qu’il veut penser, dire et faire. Mais à cette liberté de choix est associée la responsabilité des décisions prises. Le libre arbitre ne peut donc pas être le propre des enfants. Il ne devient effectif que chez les jeunes gens, à la fin de l’adolescence, autrement dit précisément à la période où le jeune homme ou la jeune fille commence à être vouvoyé ! Chaque adulte devrait être heureux de l’existence du vouvoiement, car le genre de relation qu’engendre le vous lui permet non seulement de garder sa propre indépendance et sa liberté par rapport aux autres, mais également d’être respecté dans son propre désir d’indépendance et de liberté. Que se passe-t-il en effet lorsqu’un inconnu nous aborde et nous tutoie sans autorisation ? Nous sommes surpris et ressentons intérieurement un mal-être car les limites ne sont plus respectées, un certain respect disparaît et nous sommes privés de la liberté de choisir entre la relation de tutoiement et de vouvoiement. Le fait que chacun de nous soit un je» différent, réside dans l’existence du libre arbitre. C’est grâce à lui que nous décidons, de manière tout à fait personnelle, ce que nous voulons faire de nous-même et comment nous allons le faire. Les expériences vécues que nous faisons, et qui résultent de nos libres choix, façonnent alors peu à peu notre personnalité de façon particulière. Elle est particulière, car elle résulte forcément d’une combinaison de désirs et de décisions différente de celle des autres. Pour bénéficier pleinement de sa propre faculté de libre décision et pouvoir évoluer en conséquence, il faut éviter de la limiter de quelque façon que ce soit. Il est donc nécessaire de garder toute son indépendance, son droit à être différent, donc à être soi-même, ce qui, comme nous l’avons vu, n’est possible - chez les personnes possédant le libre arbitre, c’est-à -dire les adultes - que grâce au... vouvoiement. Mais alors pourquoi le tutoiement se généralise-t-il de nos jours ? Le tutoiement entre adultes Le tutoiement entre adultes est légitime dans les relations étroites où les deux êtres en présence sont très proches et en affinité. Ces conditions sont avant tout remplies dans le mariage. Dans le mariage, le tu, et non le vous, se justifie car décidant d’évoluer ensemble en s’aidant mutuellement, les époux ont volontairement choisi de céder une partie de leur indépendance pour unir leur destin. Le vouvoiement entre époux montrerait donc le contraire. Il était très courant à une époque mais, en ce temps là , les mariages étaient souvent des mariages arrangés ou de raison. Le tutoiement implique une liaison étroite avec l’autre. Cette liaison est-elle si courante que le tutoiement doive se généraliser comme il le fait actuellement ? Y a-t-il vraiment une liaison étroite, une intimité et une communauté de destin entre tous les gens qui se tutoient les collègues de travail, les membres d’un club, les connaissances, les voisins, etc. ? Le tutoiement est considéré actuellement comme un signe de grand progrès et de maturité d’esprit, mais en examinant de plus près les situations où l’on se tutoie, on peut constater que ce n’est pas le cas. Les adultes qui s’y livrent perdent quelque chose et ils y recourent plus comme à une solution de facilité que comme à un vrai moyen de s’affirmer et de progresser. Le tutoiement sur le lieu de travail, dans un club de sport ou tout autre groupe, permet d’éviter de se démarquer des autres. Il donne la possibilité de se fondre dans le groupe, d’avoir l’impression de lui appartenir. On y est ainsi accepté presque automatiquement et sans effort, comme dans une grande... famille ! La famille, qui, comme nous l’avons vu, est bien le lieu où l’on se tutoie ! Au cours d’une soirée, le tutoiement d’inconnus qui viennent d’être présentés permet de baisser la garde». De cette façon, la plus grande responsabilité de ce que l’on dit, et la manière de se comporter qu’implique le vouvoiement, tombent avec le tutoiement. Le tutoiement place les adultes dans une situation similaire à celle qu’ils ont connue dans leur enfance, celle de camarades encore non-responsables, où tout est à peu près permis, puisque rien n’est vraiment sérieux ni ne porte à conséquence. Cette sorte de refus d’être un adulte peut probablement être mis en relation avec le désir de nombreuses personnes d’un certain âge d’aujourd’hui qui cherchent à tout prix à paraître jeune, que ce soit dans leur manière de parler, de s’habiller ou d’occuper leurs loisirs. Que le tutoiement permette de gommer les différences, de se débarrasser de ses responsabilités et de se donner à bon compte le sentiment d’appartenir à une grande famille est au fond bien connu et utilisé consciemment par certains. Un célèbre organisateur de voyages par exemple, impose volontairement le tutoiement dans ses villages de vacances. Les vacanciers, qui ne se connaissent pas au départ, se rapprochent très vite, perdent leurs inhibitions, fraternisent et se fondent avant peu dans la joyeuse inconscience du groupe. Agir en connaissance de cause En étant prête à céder une part de son indépendance aux personnes tutoyées, la personne qui tutoie en perd forcément une partie. Celle-ci se trouve entre les mains de ses vis-à -vis. Le tutoiement lie donc les individus les uns aux autres. Cette liaison n’est pas anodine et il est difficile de s’en débarrasser. Etant doté du libre arbitre, l’être humain peut choisir de communiquer avec ses semblables en les vouvoyant ou en les tutoyant, mais au-delà de ce que cela révèle de lui, le choix qu’il effectue va faciliter ou non son évolution personnelle. Le tutoiement, sous ses apparences de facilité, engendre de nombreux problèmes, car en liant et en ouvrant des portes à toutes sortes d’influences extérieures, il entrave le libre arbitre. Le vouvoiement, lui, semble plus difficile, mais il facilite les choses, car il permet de conserver sa liberté intérieure et son indépendance. Christopher Vasey Article basé sur les connaissances du Message du Graal
Les Sonnets » dans la Pléiade Shakespeare, c’est tout un poème Adulé pour son théâtre flamboyant, Shakespeare a également signé une oeuvre poétique remarquable, rassemblée dans un tout nouveau volume de La Pléiade. L’occasion de revenir sur l’énigme de ses Sonnets ». Leurs sens multiples, leurs jeux de mots, leur rythme et leur harmonie éblouissent encore aujourd’hui. Par Philippe Chevilley La troupe du Berliner Ensemble en 2010, dans une mise en scène de Robert Wilson de 25 sonnets de Shakespeare sur une partition musicale de Rufus Wainwright. ©RUBY WASHINGTON/The New York Tim > ZOOM cliquer l’image On a éprouvé les tempêtes et les guerres, admiré et haï les rois, rit avec les fous, pleuré avec les amants désunis, tutoyé le ciel et la terre… Cette fois, l’aventure est terminée le huitième et dernier tome des oeuvres complètes de William Shakespeare 1564-1616, en édition bilingue dans une nouvelle traduction, est paru dans La Pléiade. Un bouquet final dédié à la poésie du grand Will. Pour Jean-Michel Déprats, qui travaille à cette somme depuis deux décennies, traduire les fameux Sonnets - au coeur de cet ultime tome - n’a pas été la partie la plus facile. Il m’a fallu deux ans et demi pour y parvenir… » A titre d’exemple, j’ai passé autant de temps sur le sonnet 135 que sur une pièce entière ». Ce sonnet adressé à une mystérieuse dame brune concentre à la fois tout le génie et la complexité de l’oeuvre polysémie sexuelle, passion des jeux de mots, rythme hypnotique. Le poète joue avec Will, son prénom, et celui d’un rival qui désigne en anglais à la fois le verbe vouloir et l’organe sexuel masculin ou féminin. De Will » en will », il reproche à sa maîtresse de se donner à tous les hommes, mais pas à lui . Pour ne pas altérer le sens et l’effet produit, j’ai diversifié les traductions correspondant aux significations diverses.. en restant proche quand c’est possible du son ’will’ par exemple avec le mot ’oui’ ». Fabuleux paradoxe Les Sonnets constituent un fabuleux paradoxe. D’un côté, ils illustrent la cohérence du génie shakespearien, dramaturge et poète à part entière. En dévoilant ce qui semble être sa part intime, ils inclinent à penser que l’homme a bel et bien existé, que Shakespeare n’est pas le nom de code d’un collectif, comme certains le prétendent. Mais d’un autre côté, par leur singularité et leur caractère énigmatique, ils accroissent le mystère d’un destin extraordinaire - celui de ce fils de gantier qui, une fois marié, a brutalement renoncé à sa petite vie paisible dans la ville de Stratford pour conquérir Londres et le monde. Lorsque Shakespeare s’attaque au sonnet, ce genre noble est tombé en désuétude. Qu’à cela ne tienne ! Dans son introduction au tome de La Pléiade, l’universitaire Anne-Marie Miller-Blaise 1 explique que le dramaturge s’est emparé du modèle de Pétrarque - ode très codifiée à l’amour sublimé - pour mieux le subvertir. La structure, trois quatrains suivis d’un distique, sert son dessein exposer des pensées, pour mieux les questionner, voire les contredire Il retourne les choses, les mots, fait éclater tous leurs sens ». Selon la spécialiste, pour Shakespeare, il n’y a pas d’interdit du langage. De coïncidence en coïncidence, il nous invite à abolir l’inconscient de la langue ». Jeune éphèbe et dame brune La subversion tient aussi aux épanchements équivoques du poète. Dans les 126 premiers sonnets, il exprime son amour pour un jeune homme ; dans les 28 derniers, son désir pour la sulfureuse Dark Lady ». Le chassé-croisé vire au trio amoureux quand le poète jaloux reproche à la dame de vouloir séduire son amant. S’il semble ne pas vouloir passer à l’acte avec le jeune homme il le voue au lit des femmes et l’incite à se reproduire, il brûle apparemment de désir pour l’intrigante dame brune. Cette bisexualité affichée n’est pas si surprenante à l’époque élisabéthaine où l’adolescent était volontiers considéré comme un être androgyne. Mais en faire le fil rouge de ses poèmes est osé. Les Sonnets de Shakespeare Illustration du peintre lituanien Stasis Krasaukas pour une édition de 1966 des Sonnets Difficile de faire le lien avec la vie intime de Shakespeare. On ignore en effet l’identité de ce duo d’amant et maîtresse. L’adresse des poèmes à un certain W. H. a permis aux historiens d’échafauder moult théories plus ou moins fumeuses en ce qui concerne le nom du garçon. Aucune dame brune n’a en revanche été débusquée dans son entourage… Ces serments d’amour ne sont peut-être après tout que des fantasmes ou une licence, l’esquisse d’un manifeste poétique amoureux. William confiné Reste la question intrigante de la publication tardive des sonnets 1609. Shakespeare les a probablement écrits beaucoup plus tôt. Un indice dans Peines d’amour perdues » 1594-1596, le personnage de Rosaline fait beaucoup penser à la Dark lady », souligne Jean-Michel Déprats. Selon le traducteur, la période d’écriture correspond probablement à l’épidémie de peste. Les théâtres étaient fermés… ». Shakespeare confiné se rabat sur la poésie… Etrange résonance avec aujourd’hui ! Si cette partie de son oeuvre a été éditée sur le tard, c’est peut-être parce que son auteur n’avait pas pensé à les publier, préférant les faire tourner parmi un groupe d’amis ou de protecteurs. Accaparé par le théâtre, il n’avait sans doute pas le temps de les mettre en forme » , suggère Anne-Marie Miller-Blaise. D’autant que ses pièces représentaient une activité bien plus lucrative. Un recueil de poésie était vendu une fois pour toutes à une librairie ». Conséquence, les Sonnets connaissent peu de succès de son vivant. Et quand on les redécouvrira après sa mort, ce sera surtout pour dénoncer leur caractère licencieux. Ce traitement particulier du désir, du temps, de l’éternité trouve encore un écho de nos jours. La langue des sonnets apparaît très moderne, proche de la nôtre Cette oeuvre si agile connaîtra finalement un éblouissant retournement de fortune. En particulier en France, deux siècles plus tard, quand les romantiques font du poète anglais leur barde » favori. Cette exaltation de l’amour, ce traitement particulier du désir, du temps, de l’éternité trouve encore un écho de nos jours. La langue des sonnets apparaît très moderne, proche de la nôtre » , explique Anne-Marie Miller-Blaise. Jean-Michel Déprats est du même avis Tous les états de l’amour y sont convoqués, à la façon de Roland Barthes. Les Sonnets nous proposent un parcours amoureux diversifié, souvent douloureux, plus rarement porté par la joie de la beauté et de la fidélité ». Ils évoquent aussi le temps qui nous est compté, le caractère éphémère des passions. Des thèmes éternels dans une langue sans âge… En témoignent les publications et les nouvelles traductions qui ne cessent de se multiplier en ce début de millénaire. Alexandrins blancs DES THEMES QUI TROUVENTENCORE UN ECHO DE NOSJOURS ET UNE LANGUE QUIAPPARAÎT TRES MODERNEPROCHE DE LA NÔTRE Le volume de La Pléiade offre justement en bonus une anthologie des meilleures traductions des sonnets en français depuis deux siècles. Chateaubriand, Francois-Victor Hugo, Yves Bonnefoy, Claude Neumann… quelque soixante auteurs et autant de visions différentes explorent tous les possibles d’une oeuvre inégalée. Quid de la version de Jean-Michel Déprats ? J’ai voulu éviter deux extrêmes un excès de formalisme, la recherche de la rime pour la rime qui dénature le sens des mots et du poème dans son ensemble. Ou à l’inverse une transposition dans une prose qui oublierait la poésie ». Aussi revendique-t-il un entre-deux » J’ai opté pour des alexandrins blancs sans rime en m’autorisant de rares écarts quelques décasyllabes et vers de quatorze syllabes quand j’y étais contraint ». Résultat, un beau travail équilibré qui préserve la magie de ces vignettes miraculeuses, respecte la musique des vers, en clarifiant au maximum le propos. Le traducteur reste humble Il y a tellement de polysémie, tenter une traduction parfaite est voué à l’échec. On ne peut pas rendre en français toute cette richesse. On ne peut faire entendre que deux ou trois sens sur six ou sept. C’est peut-être un avantage… car les Anglais, à vouloir tout saisir s’y perdent parfois » … Il faut en tout état de cause ne pas hésiter à consulter les notes de l’ouvrage qui permettent de contextualiser chaque sonnet données historiques, convictions de l’époque… Et pour en saisir toute la substantifique moelle, certains méritent d’être lus deux ou trois fois. Contre la violence sexuelle En contrepoint, La Pléiade a réuni les autres oeuvres poétiques de Shakespeare, dont les deux poèmes narratifs érotico-mythologiques Vénus et Adonis » 1593 et Le Viol de Lucrèce » 1594 traduits par Henri Suhamy. En apparence convenus, ils traitent avec audace du désir et de ses perversions Vénus prête à tout pour séduire Adonis, Tarquin qui franchit toutes les portes de l’abjection pour posséder Lucrèce. Moins retravaillés, fulgurants, ils frappent par leur côté poignant et leur incroyable ironie », affirme Anne-Marie Miller-Blaise. Le viol de Lucrèce », en particulier s’avère extralucide dans sa manière de démonter la violence sexuelle. Très proche d’un texte dramatique, le poème a l’envergure et la majesté d’une tragédie à la française ». Chrono-lithographie The Genius of Shakespeare », de 1888, le représentant devant ses plus célèbres pièces de théâtre .©Bridgeman Images ZOOM cliquer l’image Préfèrera-t-on toujours le Shakespeare dramaturge au Shakespeare poète ? Cette opposition n’a pas lieu d’être » assure Jean-Michel Déprats. Il y a autant de poésie dans son théâtre, que de théâtralité dans sa poésie. Des sonnets et diverses formes lyriques sont insérés dans ses pièces dans Périclès », La vie d’Henri V », La Tempête » Les chansons d’Ariel, Roméo et Juliette » le choeur et le premier échange entre les amants… » Quant aux Sonnets » eux-mêmes, ils ont autant vocation être dits à haute voix que lus ». Chantés même, parfois le metteur en scène américain Robert Wilson en a fait en 2010 un beau spectacle musical, sur une partition du ténor pop Rufus Wainwright. La messe est dite. Shakespeare in love » a révolutionné la poésie, comme le théâtre. Depuis quatre siècles, le poète amoureux fait battre les coeurs plus vite avec ses intrigants sonnets. Quel amante résisterai à l’appel du numéro 43 ? Tous mes jours sont des nuits tant que je ne te voie/et mes nuits des jours clairs quand je rêve de toi ». All days are nights to see till I see thee, /And nights brights days when dreams do show thee me » A lire Sonnets et autres poèmes OEuvres complètes, VIII. Edition publiée sous la direction de Jean-Michel Déprats et Gisèle Venet. Bibliothèque de La Pléiade, pages, 59euros. prix de lancement ; 1 professeure en littérature anglaise et histoire culturelle des XVIe et XVIIesiècles à Université Sorbonne nouvelle. CHRONOLOGIE POETIQUE 1593 publication à 29 ans du poème Venus et Adonis » 1594 Le viol de Lucrèce » 1594 -1995 Ecriture des pièces Le Songe d’une nuit d’été », fantasmagorie poétique s’il en est, et de Roméo et Juliette », avec ses accents tragiques et ses sonnets. 1599-1601 Hamlet », la pièce la plus intime de Shakespeare, sorte de manifeste mélancolique. 1609 Publication des Sonnets, probablement écrits dans les années 1590. 1610-11 La Tempête », chef-d’oeuvre féerique. 1611 Macbeth avec son atmosphère onirique et ses sorcières. Par Philippe Chevilley Crédit Les Echos, le 24 mars 2021 Shakespeare mon amour La première rencontre entre Roméo et Juliette se matérialise par un échange de mots qui devient un sonnet. Pour François-Victor Hugo qui ressuscita le théâtre shakespearien au 19ème, le sonnet est le langage même des amoureux. Comment Shakespeare construit-il l’amour dans et par la langue ? Shakespeare• Crédits CSA Images-Getty L’invitée du jour Anne-Marie Miller-Blaise, professeure en littérature et histoire culturelle britanniques des 16e-17e siècles à l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, vice-présidente de la Société Française Shakespeare Le sonnet, langage de l’amour Shakespeare a écrit à une période où l’on considère le théâtre comme de la poésie… Mais il a un rapport différent peut-être à la poésie et ses enjeux, à la fois sur la scène et dans l’écriture de ses sonnets. La rencontre entre Roméo et Juliette se matérialise dans le texte de la pièce, à l’acte I scène 5, par un échange de mots qui devient un sonnet… Comme le dira plus tard François-Victor Hugo, tous les amoureux font des sonnets, c’est le langage même des amoureux. Anne-Marie Miller-Blaise Le sonnet, écriture de l’intime ? Penser que le sonnet est une écriture de l’intime est une idée qui surgit au 18ème siècle lorsqu’on commence à identifier le Shakespeare des sonnets comme un Shakespeare qui parlerait en son nom propre, et qu’on commence à voir les sonnets comme une trace autobiographique de l’auteur. Dès Pétrarque, le sonnet est une forme qui semble donner voix et corps à une douleur amoureuse ressentie au plus profond de soi même, mais il faut se garder de cette tentation il faut penser le sonnet comme partiellement biographique, peut-être, mais aussi comme une auto-fiction... Anne-Marie Miller-Blaise Textes lus par Denis Podalydès - William Shakespeare,Sonnets, Sonnet 18, Sonnet 20 et Sonnet 64, 1609, traduction de Jean-Michel Déprats, à paraître fin 2020, édition de la Pléiade, vol. VIII dernier volume des Œuvres complètes Sons diffusés - Extraits de Shakespeare in love, film de John Madden, 1998- Extrait de Roméo et Juliette, film de Franco Zeffirelli, 1968- Chanson de Rufus Wainwright, Take all my loves Sonnet 40 À RÉÉCOUTER SÉRIE William Shakespeare, 4 épisodes France Culture / La compagnie des auteurs Le même Shakespeare écrit Hamlet » et les Sonnets » PAR JEAN-MICHEL DÉPRATS LE 10 MARS 2021 … Entreprendre de retraduire une œuvre majeure, même cent fois traduite, et parfois avec éclat, n’exprime nullement une insatisfaction vis-à -vis des accomplissements antérieurs. La retraduction ne porte pas en soi une critique voilée des poètes traducteurs qui vous ont précédé. Comme l’écrit clairement Jacques Darras, lui-même par deux fois retraducteur récent desSonnetsde Shakespeare C’est le propre de l’œuvre accomplie, en musique comme en poésie, que de permettre une infinie quantité de lectures, de traductions. […] Sachant qu’il n’y en aura jamais de version définitive […] traduire lesSonnetsde Shakespeare, c’est toucher au principe d’insatisfaction » Il y a toujours place pour autre chose. Au tome I desŒuvres complètes de Shakespeare dans la Pléiade, un texte de réflexion sur les questions de traduction, intitulé Traduire Shakespeare » et sous-titré Pour une poétique théâtrale de la traduction shakespearienne », présente la problématique générale de la traduction théâtrale et explore les apories et les limites de la traduction en français moderne de l’anglais élisabéthain. J’y affirme la spécificité de la traduction destinée à la scène, entée sur la perception de ce que Patrice Pavis appelle le verbo-corps1 » et qui désigne l’inscription du souffle et de la gestualité dans la langue. À travers les rythmes, les assonances, les rimes intérieures, les effets allitératifs, les ruptures syntaxiques ou les coulées verbales, Shakespeare guide l’acteur dans son jeu, et il n’est aucun élément de son écriture dramatique qui soit sans conséquences pour l’interprétation d’un rôle. La question se pose donc d’emblée les caracérisiques de la traduction théâtrale, telle que je l’entends, la définis et la pratique, s’appliquent-elles à la traduction desSonnets ? Faut-il au contraire inventer une autre approche et esquisser une autre esthétique pour cerner et transmettre la spécificité de la forme lyrique ? Les lignes qui suivent ont pour seul objet d’aborder et de problématiser ces questions fondamentales. Elles s’attachent à décrire les options adoptées dans cette nouvelle traduction desSonnets, non à élaborer une théorie de la traduction poé- tique comme celle, convaincante et brillamment argumentée, que développe Yves Bonnefoy dans les pages qu’il consacre, au sujet des mêmes sonnets, à l’exposé de sa propre démarche. L’étroite imbrication du poétique et du théâtral dans l’œuvre de Shakespeare est manifeste. Nul ne songerait à dire que Shakespeare est moins poète dans ses pièces que dans sesSonnetset ses autres poèmes. De nombreuses formes lyriques sont insérées dans le tissu même des pièces, qu’il s’agisse, dansRoméo et Juliette, des sonnets que prononce le Chœur en guise de Prologue à la pièce, ou, au début de l’acte II, du sonnet, encore, que forment les répliques alternées des personnages éponymes lors de leur première rencontre ; ou bien, dansPériclès, des différentes interventions en octosyllabes de Gower, qui fait fonction de chœur. Dans l’intervalle la date de compo- sition deRoméo et Juliettese situe entre 1594 et 1596, et celle dePériclèsen 1608, la forme lyrique est choisie en particulier pour les somptueuses interventions du Prologue ou du Chœur dansLa Vie d’Henry V, et pour les chansons d’Ariel dansLa Tempêteou celles du Bouffon dansLa Nuit des n’ai cité que les exemples les plus manifestes et les plus étincelants. À l’inverse, il y a de la théâtralité dans lesSonnets. Le recueil de 1609 met plus ou moins en scène les différents moments d’une relation, voire, parfois, une intrigue ; au fil de la séquence s’installe un dialogisme entre deux entités qui peuvent être deux identités du poète, entre le poète et l’aimé, ou entre le poète et son amante. Bien que la lecture de poèmes à haute voix ne soit pas, ou ne soit plus, une pratique sociale courante en France — alors qu’elle fait partie de la célébration publique de la poésie en Grande-Bretagne, au Portugal et plus encore en Russie — je soulignerai ici l’importance de l’oralitéet même de lavocalitéde l’écriture poétique de Shakespeare dans ses créations lyriques tout autant que dans son œuvre dramatique. La figure du poète n’est pas scindée en deux le poète desSonnetset des deux grands poèmes mythologiques et érotiques d’une part, celui des créations dramatiques de l’autre. C’est le même Shakespeare qui écritHamletet lesSonnets. Un même rythme emporte et soutient les poèmes et les pièces de théâtre, où l’on entend et reconnaît une même voix. Pour le dire clairement, les sonnets de Shakespeare sont donc des textes à direautant que des textes à lire. Il y a à cet égard des similitudes entre la traduction théâtrale et la traduction poétique. Dans l’un et l’autre cas, les mots sont des gestes, traduisant les pulsions de la pensée dans un phrasé lié au souffle. Incidemment, l’auteur desSonnetsfait une référence explicite au jeu de l’acteur au Sonnet 23, dont les premiers vers évoquent un acteur en scène hésitant sur ses vers, / que le trac paralyse et qui oublie son rôle ». Comme la traductionde théâtre, la traductionde poésie ne peut se contenter de donner à comprendre, elle doit aussi donner à entendre, et j’ajouterai, donner à voir à l’œil qui écoute » Claudel. À l’invar du traducteurde théâtre, le traducteur de poésie n’a qu’un guide dans le dédale des exigences multiples, souvent contradictoires, qui le tenaillent l’écoute d’une voix dont il cherche à trouver l’inflexion. Une voix, une diction, une respiration qui lui font préférer tel vocable, telle musique, tel ordre des mots. Ce travail sur la physique de la langue tente de relayer l’économie très particulière desSonnetset de recréer en français leur énergie phonatoire et vocale tout en respectant la contrainte de la concision. Il rêve, face à la forme fixe, deux options antithétiques qui divisent et opposent les traducteurs soit le respect sacré de toutes les caractéristiques formelles du poème, et en particulier du sonnet dans sa version dite shakespearienne » — sa régularité métrique mais aussi ses rimes et son schéma de rimes —, soit, à l’inverse, une écriture plus libre privilégiant d’autres éléments, comme la clarté du sémantisme et le suivi de la ligne narrative et dramatique. La lecture de nombreuses traductions desSonnetsmontre que les éléments majeurs de ces deux options, respect des caractéristiques formelles et suivi de la ligne narrative et dramatique, ne sont guère compatibles. Deux écueils symétriques sur lesquels nous allons revenir guettent en effet le traducteur qui adopte l’une ou l’autre approche de façon systématique. Il va de soi que ces options contraires ne sont pas les seules qui s’offrent aux traducteurs … La fascination exclusive de la forme, conçue comme seule incarnation respectable de la fidélité, fait courir le risque de la domination de la métrique et donc du primat de la versification ; elle éloigne le traducteur de la création poétique dans sa langue et dans son temps. Aujourd’hui surtout, alors que la poésie contemporaine ne pratique plus guère la rime, sauf avec des intentions parodiques. Contrairement à ce que l’on croit couramment, rien n’est plus facile ni plus dangereux pour un traducteur que d’écrire non pas de la poésie, mais des vers, de céder à ce qu’Henri Meschonnic appelle, avec l’acerbe et impi- toyable lucidité qui le caractérise, la comédie versificatoire ». On décèle à la simple écoute les mots qui ne sont là que pour la rime ou pour le mètre et auxquels rien ne correspond dans l’original. Il peut certes arriver que les rimes d’un sonnet de Shakespeare soient rhétoriques et de pure forme, voire qu’il s’agisse de simples rimes pour l’œil. Mais c’est extrêmement rare. Une traduction qui accorde la prédominance aux structures rimiques et métriques s’éloigne du suivi scrupuleux de la construction verbale et du parcours du sens. Elle conduit à privilégier la rhétorique, confond poésie et versification. Une telle démarche convient mieux sans doute à des œuvres marquées par un degré extrême de formalisation, comme les longs poèmes narratifs que sontVenus et AdonisetLe Viol de Lucrèce. Les traducteurs qui, à rebours, se méfient de l’embaumement qu’implique la prédominance de la forme courent quant à eux le risque ou assument le choix ? de transformer le poème en récit en prose, une prose au mieux cadencée ou rythmée. Une partie des traductions les plus récentes se méfient tellement des formes fixes et des vers réguliers — décasyllabes ou alexandrins — qu’elles conduisent à nier tout principe de récurrence et de structuration dans la création du poème. Une suite de lignes composées d’un nombre constamment variable de syllabes fait totalement oublier la forme du sonnet. Les réalisations qui en découlent donnent le sentiment que le traducteur n’a fait que la moitié du chemin, tenant pour négligeable le fait que la création poétique de Shakespeare apris formedans une construcion verbale codifiée qui canalise sans l’occulter le jaillissement de la pensée. Conscient de ces deux dangers opposés, j’ai, pour ma part, tenté un compromis ou une synthèse des deux approches en traduisant lesSonnetsde Shakespeare en alexandrins blancs, donc en vers non rimés, convaincu qu’assonances, allitérations, rimes intérieures, échos internes et rythme d’ensemble offrent une structuration plus discrète mais tout aussi efficace que celle des rimes. Les premières traductions des Sonnets de Shakespeare en alexandrins non rimés sont dues à Abel Doysié 1919 puis à Émile Le Brun 1927, suivis plus tardivement 1942 par Giraud d’Uccle pseudonyme de Léon Kochnitzky, puis avec brio par Henri Thomas 1961, et dans un passé plus récent par Robert Ellrodt 2002, 2007, envers qui j’exprime ici ma gratitude et mon admiration. Sa traduction est à ce jour la plus sûre du point de vue de l’exacitude et de la complexité du sens. Mon approche se différencie de la sienne en ce que je m’accorde plus de souplesse et de libertés dans l’ordonnancement du poème, incluant dans un souci de fluidité, au milieu des alexandrins blancs, des vers de quatorze syllabes quand le contenu informatif oblige à être plus long et des décasyllabes quand, à l’inverse — plus rarement —, ce mètre suffit à prendre en charge la totalité des dénotations et connotations. Puisque le ton et le style de l’énonciation sont délibérément plus modernes que dans les traductions en alexandrins classiques, j’ai également souvent recours à lacésure épique ; courante au Moyen Âge, réapparue avec les symbolistes et les modernistes, elle consiste à compter comme hexasyllabe un premier hémistiche se terminant soit par unemuet non suivi d’une voyelle, soit par unesuivi d’unsmarquant le pluriel, alors que dans l’alexandrin classique l’hémistiche n’est hexasyllabique que si leemuet est suivi d’une voyelle. Ainsi, dans ma traduction, le vers 1 du Sonnet 65 S’il n’eest bronze ni pierre, terre ou mer infinie », ou le vers 7 du Sonnet 78 Ont ajouté des plumes à l’aile des savants », hypermétriques 13 syllabes si l’on applique rigoureusement les règles de l’alexandrin classique, peuvent être considérés comme des alexandrins si, suivant la pratique orale, on a recours à lacésure épiquequi élide la syllabe finale des premiers hémistiches pierre » dans le Sonnet 65 ou plumes » dans le Sonnet 781.Cette variété métrique et la licence qu’ajoute la césure épique visent à éliminer les chevilles et à privilégier l’énonciation mimétique sans recourir à des artifices de pure forme. Henri Meschonnic invite à pourchasser aujourd’hui les poétismes », dont l’inversion sytématique et la négation simple un ne » non suivi d’un pas » ou d’un point » sont les manifestations les plus fréquentes. Sans ignorer que la diction poétique ne s’indexe pas sur le parler courant ou l’oralité naturelle, je crois plus proche de l’essence de la poésie de réduire artefacts et conventions désormais mortes, et je n’ai pour ma part aucune gêne à déclarer que j’ai obstinément recherché la clarté et la limpidité, activant constamment cette propriété inhérente à la traduction d’opérer quel que soit le dessein conscient du traducteur une forme d’exégèse et d’explicitation. Beaucoup de sonnets shakespeariens étant d’une grande complexité et d’une grande densité de pensée, ce souci de limpidité me semble plus à même de donner un écho convaincant du poème qu’une pratique faussement mallarméenne d’obscurité délibérée. Je n’entends personnellement pas la voix de Shakespeare dans ces versions françaises qui, confuses à la première lecture, le relèent à la deuxième ou à la troisième et qui semblent confondre obscurité et profondeur. Sur un point précis, j’ai, traduisant lesSonnets, infléchi ma pratique par rapport à mes principes de traduction des œuvres dramatiques celui du respect de l’alternance entre tutoiement et vouvoiement ou, pour être linguistiquement plus exa ?, de l’alternance entre leyouet lethoudans l’adresse à un interlocuteur en anglais n’est que de façon très globale et grossière que l’on peut assimiler l’alternance duyouet duthouen anglais élisabéthain à celle du vouvoiement et du tutoiement en français. Dans les œuvres dramatiques, l’essentiel est de marquer le passage duyouauthouà l’intérieur d’une scène, et parfois le retour auyouau cours de la même scène. Seul le passage duvo=autuet le retour éventuel auvo=peuvent marquer en français la modification du rapport entre deux personnages. Il ne me paraît guère démontrable que, dans lesSonnets, l’adresse au bien-aimé ou à l’amante parthouimplique un rapport plus intime et plus affectif que l’adresse paryou. Dans ces conditions, j’ai opté pour le tu » dans tous les cas de figure, le vouvoiement d’une amante ou d’un bien-aimé risquant de traduire une forme de snobisme et exprimant surtout en français la déférence et la distance sociale. Il est de fait que l’homme dont le poète est amoureux dans lesSonnets— qu’il se nommât Henry Wriothesley ou William Herbert, selon les conjectures les plus fréquentes — était un aristocrate, mais privilégier le vous » dans ces poèmes d’amour conduit, me semble-t-il, à renoncer à l’expression du sentiment d’intense attachement affectif dont ils témoignent. C’est assurément un choix discutable, mais je le revendique parce qu’il me semble un adjuvant précieux dans la recherche d’une proximité avec le lecteur …. Jean-Michel Déprats Extraits du texte de Jean-Michel Déprats Traduire les Sonnets » dans le volume Sonnets et autres poèmes qui vient de paraitre sous sa direction et celle de Gisèle Venet dans le Tome VIII des Oeuvres complètes de Shakespeare, Bibliothèque de la Pléiade Jean-Michel Déprats » et Rare portrait considéré comme authentique de William Shakespeare , vers 1610, attribué à John Taylor et dit le Chandos » pour avoir appartenu à Lord Chandos » photos Crédit
qu implique le tutoiement dans une relation